Comment pourrais-tu expliquer en quoi l’introspection, ou ta vie intérieure, nourrit ta vie professionnelle ?
« Ca m’apporte avant tout du recul et de l’acceptation. Je ne suis définitivement pas un Superman qui transforme le monde, et j’ai encore moins le pouvoir de transformer les gens.
Ca me permet d’être plus juste dans ce que je suis, dans mes forces, et dans mes doutes. Et aussi une écoute et une prise en compte plus sincère de l’autre.
Maintenant je manage plus au ressenti. Dans ces jobs à dépense énergétique énorme, ça me permet d’être attentif à l’énergie générée par telle ou telle situation : une énergie d’action, plus masculine ? ou de relation, de réflexion, plus féminine ?
Comment en es-tu arrivé à cela ?
J’ai connu trois grandes phases :
- D’abord, tout semblait parfait ! J’avais tout ce qui fallait, j’étais bien dans le moule, j’ai galopé et gravi mon Everest… C’était la première partie de ma vie, celle dont Jung dit que tu gravis les échelons d’une échelle, qui est posée sur le mauvais mur…
- De fait, je me suis pris un mur, celui de l’échec de la cohérence. Et un mur, ça oblige à arrêter de courir ! J’étais coincé dans une spirale négative, je ressentais l’incohérence entre ce que je disais et ce que je faisais, mes résultats se dégradaient, et mon corps compensait quand je me racontais encore des histoires.
Je me suis fait coacher, alors que je pensais jusque là que c’était pour les faibles ! J’ai commencé tout un chemin d’introspection, de développement personnel, de yoga. J’ai eu des hauts et des bas, et ça n’a pas été facile pour mes équipes non plus : c’est une essoreuse, ça peut en embarquer certains, mais on en perd d’autres. Par exemple quand je partageais mes doutes dans mon codir ; au moment où je leur ai dit pour la première fois « je ne sais pas ! »…
Peu à peu, j’ai changé mon style de management, avec une écoute bien plus importante de mes équipes. On a même pu partager nos peurs, peur de ne pas réussir, de ne pas être à la hauteur, la croyance de devoir tout résoudre soi-même… J’étais encore agité, je ne voulais pas faillir.
- Je dirais que je suis dans une période de plus grande stabilité, de plus grande cohérence. Avec une meilleure articulation entre les moments d’élaboration collective et les moments de réalisation, par exemple. J’ai appris à le verbaliser, pour que mon équipe ait la grille de lecture : il n’y a pas deux Laurent ! Et c’est de la cohérence, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’extrêmes ou de contradictions apparentes : on peut travailler pour un Fonds d’investissement et être prof de yoga… Avoir des phases de suractivité et des phases de calme, de la joie et de la déception… C’est justement ça ! ressentir les extrêmes, et ne plus les opposer. Accepter, savoir que je suis à cet endroit, en prendre conscience. C’est comme en judo, la capacité « d’aller avec », plutôt que de livrer de mauvaises batailles.
Avec le recul, qu’as-tu vécu dans cette « Rencontre vents portants » ?
- Il me reste le ressenti d’un très bon moment, juste, pas dans le paraître. J’ai apprécié l’échange, même si le début était un monologue.
En fait, ça m’a donné envie de partager plus : comme quand on écoute les autres, partager fait grandir, s’entendre raconter son histoire l’ancre encore davantage. Et ça fait faire le tri entre le superficiel et le plus profond. Je l’ai refait depuis, avec beaucoup moins de réticences à parler de sujets personnels, voire spirituels, dans des cadres professionnels. Ca a alimenté ma confiance, et que je partage de cette façon rend les échanges plus profonds – à condition d’éviter tout prosélytisme. Surtout pas de prosélytisme. »